@Yeo Junseo (tw violences policières).



Tout avait commencé par une proposition. Camarade de fortune (re)trouvé au détour des aléas, de leurs vies respectives morcelées (et toujours l’un envers l’autre ils semblaient graviter, pourtant). Junseo comme le fantôme que l’on évite, qui pourtant réapparaît toujours dans notre champ de vision sans qu’on le regarde, illusion d’une ombre. Alors, ils ont repris contact, chacun avec ses silences, ses promesses, et leur rage. Haneul en a à revendre, la rébellion au creux des poings serrés, par la haine, la rancoeur, une vieille rancune tenace qu’il prenait personnellement -à se cacher derrière des desseins plus grands. La vérité Haneul, c’est que tu ne les hais pas vraiment. La grande révolution est surtout celle de ton coeur. Mais il lui fallut rassembler, demander à Jun de le rejoindre lors d’une manifestation aux airs pacifiques, pour lui monter comme c’était beau, une foule qui scande, une révolte qui gronde. D’abord acceptée, la proposition fut refusée au dernier moment, et c’est les crocs dissimulés par un bandana noué sur la bouche qu’Haneul s’en vint, seul (used to it anyway). Il aurait du s’y attendre. Mais la colère prenait la forme de ceux en noir, cagoulés comme lui, qui se mirent vite à faire dégénérer les rangs. Haneul, pour la première fois laissa parler sa colère. Pavé arraché à même le sol, balancé dans une vitrine, le verre se transforme en sable dans un bruit des enfers -il expie la joie, la liberté de vouloir voir le monde brûler autour de lui, et tant pis pour Jun.
La chute fut brutale, rapide, un corps plaqué contre le béton froid de la chaussée, des mains menottées dans la voiture ornée de sirènes, et les gyrophares en route pour le commissariat -il y avait déjà été, une fois, accident banal d’une autre révolte, mais cette fois c’était intentionnel. Saem était venu le chercher. Cette fois, Saem ne serait pas là. Alors il composa un autre numéro, la voix monocorde aux airs d’ennui (pour feindre aux policiers alentour que son coeur ne battait pas la chamade, de peur). « Jun, can you pick me up ? I’m at the police. »

Il n’avait pas pu accepter. Avait dans un premier temps dit oui dans une optique de cordialité sans doute un peu mélangée à de la curiosité -celle de savoir ce que ça fait, d’être contre le régime en place. Avait accepté d'accompagner cet ami de toujours, indépendamment des fluctuations de leur relation. Pour mieux renoncer au dernier moment. Junseo incapable de remonter à contre courant, de s’opposer à sa propre famille en manifestant contre celle au pouvoir. Au lieu de ça il était resté chez lui, avait suivi l’actualité de cette manifestation à l’abri derrière l’écran de son téléphone. Confort d'un privilégié que de pouvoir observer sans se mouiller, il en est bien conscient. Et l’action répétée de son pouce pour faire défiler les différentes informations est interrompue lorsqu’un appel entrant s’affiche sur l’écran. Jun qui décroche, sourcils froncés, qui jure presque immédiatement à l’annonce de son ami. « What the fuck did you do ? You better pray they protect you ‘cause I’m gonna kill you. » Soupir, colère qui exprime l'inquiétude. « Coming. » Appel clôturé sans plus de cérémonies, et le sportif récupère les clefs de sa voiture, s’empresse de rejoindre Haneul. Les minutes de trajet lui semblent interminables, lui laissent le temps d’insulter chaque feu rouge, chaque piéton retardataire. Mâchoire crispée à s’en faire mal, portière qui claque une fois garé, présentation brève aux officiers présents lorsqu’il entre au poste.

Puis de la colère il passe à la terreur, celle-là même qui peint son visage d’un livide glaçant. Parce que celui de son ami est tuméfié, tâché de sang à quelques endroits. Qu’il n’y a plus d’assurance qui fait briller son regard. « What happened ? » Et si c’était de sa faute ? Et si rien ne s’était passé ainsi s'il n’avait pas renoncé à l’accompagner ? Noeud douloureux dans son estomac, officiers de police qui racontent. Qui disent que Haneul a engendré de la casse. « He broke a window so you broke his face ? » Rhétorique douloureuse, privilèges qui pour une fois lui seront utiles. « Enjoy your last moments as a cop, I’ll get you all fired. Come on ‘Neul, let’s go. » Il le laisse le rejoindre, glisse une main dans le bas de son dos pour le guider à l’extérieur, puis jusqu’à son véhicule. Soupir une fois face au volant « I told you not to go. » Il grommelle Junseo, incapable d’exprimer son inquiétude autrement. « You're not gonna die immediately. We’re going to my place so I can clean up these ugly wounds and only then I’ll kill you, okay ? »

@Yeo Junseo

La voix dans le combiné a des teintes-colère, mais Jun lui fait bien moins peur que les hommes en uniforme autour de lui -ou la probabilité de finir en prison. Le contexte est tendu, il est impliqué dans des affaires sombres, et aurait sûrement du se faire plus petit que de jouer la carte de la provocation, s’est emporté, encore une fois. Patiente en silence jusqu’à entendre une voix familière dans l’enceinte du commissariat. Et hausse les sourcils, lorsqu’il semble détourné de sa colère envers lui pour la diriger sur les policiers. Do I look that bad ?

Ses affaires sont récupérés, mais il se sent humilié -un gamin turbulent récupéré par son parent après une bêtise. Ce n’est pas une bêtise, c’est une justice. Peut être un regret, qui viendra plus tard. Mais il en faut bien, pour défier le pouvoir en place, tandis que Junseo s’est défilé à la dernière minute. « And I told you I would go. » il ne le blâme pas, c’est grâce à lui qu’il est un homme libre, mais ne peut s’empêcher de ruminer en montant dans la voiture, même sous les menaces. « Ok, ok, dad. » S’affale contre le dossier du siège en laissant malgré lui poindre un gémissement de douleur -il est sûrement plus amoché que ce qu’il prétend être, au final. Mais refuse de le montrer. « Who knew you could be that sexy when angry ? » You, a few years ago. Secoue la tête face à ce souvenir qu’il n’avait pas vu venir. Et hausse les épaules, yeux fixés sur la route.